Le vieillissement de la population, l’isolement des aîné·s ainsi que le difficile accès à la propriété pour les premiers acheteur·euses sont autant d’éléments qui entraînent aujourd’hui une réflexion individuelle et collective en matière de logement. Une chose est certaine, ces facteurs économiques et sociaux ont contribué à la renaissance d’une idée vieille comme le monde: la cohabitation de plusieurs générations sous un même toit. À la différence que, contrairement à nos ancêtres qui vivaient entassés les uns sur les autres, nous souhaitons aujourd’hui conserver un minimum de confort et d’intimité. Dans ce contexte, la maison bigénération, ou intergénérations, pourrait bien être la solution. Tour d’horizon de ce type d’habitation qui gagne en popularité.
Qu’est-ce qu’une maison bigénération ou intergénérations ?
Les termes « maison intergénérations » ou « maison multigénération » désignent une résidence qui abrite sous un même toit les membres de plusieurs générations, par exemple un couple de personnes âgées, leur enfant et son/sa conjoint·e ainsi que leurs petits-enfants. Une maison bigénération réfère quant à elle à une propriété qui loge les membres de deux générations seulement. Même si ce type d’habitation sert surtout à héberger des parents âgés, elle peut aussi être utilisée par de jeunes adultes en transition vers une plus grande autonomie.
Plus concrètement, la maison bigénération se présente le plus souvent comme une unifamiliale dotée de deux logements distincts — une habitation principale plus grande et une habitation secondaire plus petite – afin que les membres des deux familles puissent profiter de leur intimité. Les deux logements sont dotés d’entrées séparées et, parfois, d’une porte communicante à l’intérieur. Malgré les deux entrées privées, la maison intergénérationnelle possède une seule adresse et un seul compte de taxes.
Avantages et inconvénients d’une maison intergénérations
Le fait de vivre à plusieurs dans une maison bigénération présente certains avantages, dont l’entraide et le partage des coûts. Or, ce n’est pas pour tout le monde : ce type de cohabitation comporte aussi quelques risques.
Avantages de la cohabitation intergénérationnelle
Sur le plan humain, économique et environnemental, il existe plusieurs bénéfices à résider sous un même toit.
Le plus évident est le partage des coûts. En mettant en commun leurs économies, les membres des deux générations peuvent accumuler une mise de fonds plus importante et ainsi avoir davantage d’options pour l’achat ou la construction d’une maison. Par la suite, ils pourront partager les paiements hypothécaires ainsi que les taxes municipales et scolaires. Des économies peuvent aussi être envisagées du côté de l’achat de certains équipements (barbecue, tondeuse, souffleuse, etc.) qui n’auront pas besoin d’être obtenus en double ; idem pour l’entretien de la propriété (refaire le toit, changer les fenêtres, etc.).
Partager son toit avec sa famille élargie permet aussi de briser l’isolement et de s’entraider. Par exemple, des grands-parents habitant à la porte d’à côté peuvent être d’un grand secours pour s’occuper de votre progéniture à son retour de l’école ou pour vous aider à la préparation du repas du soir. De leur côté, les grands-parents peuvent partir pour un voyage de longue durée sans s’inquiéter de laisser leur maison inhabitée.
Enfin, la construction ou l’agrandissement d’une maison pour en faire une multigénération a comme avantage la densification du tissu urbain, une approche bénéfique pour lutter contre les changements climatiques. En outre, les membres d’une même maisonnée pourraient aussi en profiter pour partager une voiture et ses frais afférents.
Inconvénients de la cohabitation intergénérationnelle
Bien qu’un tel projet puisse sembler emballant, il existe aussi des enjeux sur lesquels il est bon de réfléchir avant de faire le grand saut.
D’une part, même si la réunification de deux familles permet un plus grand pouvoir d’achat, il ne sera pas nécessairement plus facile de trouver la maison parfaite, ne serait-ce que parce que les besoins des uns et des autres diffèrent. Emplacement de la résidence, disposition des pièces, facteurs d’accessibilité, rangement: des conflits peuvent émerger avant même le début de la cohabitation. Serez-vous capable de faire des compromis avec votre famille ou belle-famille ?
Vous devrez aussi réfléchir à ce qu’il adviendra du deuxième logement lorsque vos proches perdront leur autonomie et devront être hébergés dans un centre offrant davantage de soins. Vous n’aurez probablement pas envie de louer cet espace à des inconnus, sans compter que le règlement de votre municipalité pourrait carrément vous en empêcher. Par ailleurs, si vous avez investi une importante somme d’argent pour rénover votre maison dans le but d’en faire une bigénération, vous n’aurez peut-être pas les moyens de convertir à nouveau — en salle de jeu ou en garage par exemple — le logement autrefois occupé par vos parents.
Définir ses besoins
Maintenant que vous avez pesé les pour et les contre de la cohabitation, et établi que ce type de projet constituait une bonne option pour votre famille, vous devez maintenant choisir la meilleure façon de réunir tout le monde sous un même toit : agrandir votre résidence existante, construire une maison neuve ou acheter une propriété intergénérations disponible sur le marché. Si vous tendez vers un agrandissement ou une construction, ne négligez pas de vous informer de la réglementation municipale à cet égard, celle-ci variant grandement d’une ville à l’autre.
Si certaines municipalités interdisent complètement ce type d’habitation, d’autres imposent des contraintes. Elles pourraient notamment exiger que la superficie du nouveau logement n’excède pas la moitié de la superficie de la maison originale (par exemple, un logement de 700 pieds carrés pour une maison originale de 1 400 pieds carrés) ou que cette deuxième section ne puisse être éventuellement louée à des personnes extérieures à la famille. Certaines villes demanderont qu’il n’y ait qu’une seule entrée principale avec un vestibule commun aux deux logements alors que d’autres autoriseront deux entrées séparées (les deux en façade ou bien une à l’avant et l’autre sur le côté).
Si vous songez plutôt à acheter, vérifiez aussi que la municipalité permet ce type d’habitation, même si la maison que vous convoitez affiche le terme « bigénération » ou « multigénération » dans le descriptif : celle-ci pourrait avoir été convertie illégalement.
Agrandir une maison existante
La première chose à faire avant d’entreprendre une rénovation de cette ampleur est d’établir un budget. Les coûts pour un agrandissement varieront selon le type de projet.
Une bonne façon d’économiser consisterait à convertir un garage en logement. Les travaux à faire y seront moins importants puisque la porte d’accès au logement ainsi que les murs et le plancher sont déjà existants. Il ne resterait qu’à poser un vrai plancher et à aménager l’espace (cuisine, salle de bain et chambre).
Si vous cohabitez avec une personne dont la mobilité, la vision ou la coordination sont limitées, assurez-vous d’en tenir compte dans votre adaptation de domicile. Des éléments comme des barres d’appui, une douche à l’italienne ou baignoire à porte, des interrupteurs luminescents et faciles d’accès ou des commandes par détecteurs de mouvement, peuvent faire toute une différence. Non seulement ces éléments aideront votre proche à se sentir en confiance dans son nouvel environnement, mais cela préservera également sa dignité et son autonomie.
Sachez que pour un projet de cette envergure, les municipalités demandent généralement le sceau d’un technologue ou d’un architecte pour valider les plans ou dessins avant de vous octroyer un permis.
Type d’agrandissement |
Coût moyen d’agrandissement avec salle de bain et cuisine*): |
Ajout d’étage (brut) |
De 258 à 324 $/ pi2 |
Ajout d’étage (clé en main) |
De 300 à 360 $/ pi2 |
Agrandissement sur pieux (brut) |
De 258 à 294 $/ pi2 |
Agrandissement sur pieux (clé en main) |
De 300 à 330 $/ pi2 |
Agrandissement sur fondation/ dalle (brut) |
De 312 à 354 $/ pi2 |
Agrandissement sur fondation/ dalle (clé en main) |
De 348 à 390 $/ pi2 |
*Prix incluant la démolition de base, les matériaux et la main-d’œuvre.
Construire une maison intergénérations
Si vous optez pour une construction neuve, de bonnes discussions devront avoir lieu en amont pour bien définir les besoins et désirs de chacun. Quels espaces seront séparés et communs ? Y aura-t-il une porte communicante à l’intérieur ? Il vous faudra aussi tenir compte de la condition physique ou de la mobilité des personnes plus âgées : si celles-ci se déplacent à l’aide d’une canne, il ne sera pas idéal de les loger à un endroit qui nécessite d’emprunter un escalier (au deuxième étage ou au-dessus du garage par exemple). N’hésitez pas à faire appel à un architecte ou un technologue en architecture pour dessiner vos plans ; ce dernier sera le mieux placé pour comprendre et intégrer les exigences de chacun.
Un des avantages de la maison bigénération est qu’elle prend généralement l’allure d’une maison unifamiliale traditionnelle. Vous pourrez donc la faire construire dans le style souhaité: victorien, ranch, contemporain, etc.
Type de construction |
Coût d’entrée |
Construction neuve (RDC seulement) |
De 235 à 265 $/pi2 |
Construction neuve avec étage |
De 190 à 220 $/pi2 |
Acheter une maison intergénérations
Une autre option consiste à acheter une maison multigénération offerte sur le marché de la revente. Selon un article du journal Le Soleil paru en 2021, 70 % des ventes de ce type d’habitation au Québec avaient eu lieu dans les régions des Laurentides, de Lanaudière et de la Montérégie. En incluant Montréal, Laval et la Capitale-Nationale, le chiffre grimpait à 80 %. Dans ce contexte, il pourrait être plus ardu de trouver la maison de vos rêves si vous souhaitez vous établir dans un autre coin de la province.
Même si l’inventaire est un peu plus intéressant dans certaines régions, il reste que les maisons bigénération ne représentaient que 1,5 % de l’offre totale des propriétés résidentielles sur le marché québécois en date du 20 octobre 2022, d’après une compilation effectuée par DuProprio.
En tenant compte des propriétés offertes sur son site, le service immobilier a estimé que le délai de vente d’une maison intergénérations, entre le 1 octobre 2021 au 30 septembre 2022, était en moyenne 30 jours plus long que pour une unifamiliale traditionnelle, en raison notamment du caractère plus niché de ce type d’habitation. Pour les propriétés vendues durant la même période, chez DuProprio, le prix médian des propriétés bigénération/intergénération se situait à 530 000$. En raison de sa superficie habitable (jusqu’à environ 1 900 pieds carrés), la maison intergénérations se vend environ 34 % plus cher que l’unifamiliale (environ 1 400 pieds carrés).
Subventions et crédits d’impôt pour les maisons bigénération
Il n’existe pour l’instant aucune subvention offerte spécifiquement pour la construction ou l’agrandissement d’une maison bigénération. Le gouvernement fédéral prévoit toutefois lancer en 2023 un nouveau crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles. Ainsi, les familles qui souhaitent ajouter un deuxième logement à leur maison pourraient réclamer un crédit d’impôt de 15 % pour des coûts de rénovation allant jusqu’à un maximum de 50 000 $ ; cette aide pourrait donc atteindre les 7 500 $.
Le gouvernement du Canada offre aussi un remboursement de la TPS/TVH sur l’achat ou la construction d’une maison neuve ainsi que pour les rénovations majeures ; idem pour le remboursement de la TVQ au Québec.
Il existe aussi diverses aides pour le soutien d’un proche, dont un crédit d’impôt pour le maintien à domicile d’une personne âgée et un crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire (fédéral) ou pour l’achat et la location de biens visant à prolonger l’autonomie (provincial) ; ces deux derniers peuvent s’appliquer à l’installation d’une rampe d’accès pour fauteuil roulant ou d’une baignoire à porte, par exemple.
Enfin, certaines villes participent au programme Rénovation Québec, qui vise à améliorer les logements dans des secteurs résidentiels dégradés. Si tel est votre cas, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre municipalité pour connaître les aides financières qui pourraient vous être accordées si vous entreprenez un projet de rénovation pour l’ajout d’un logement.
Idées et modèles de plans de maisons bigénération
Qu’il s’agisse d’une construction neuve ou d’un agrandissement, une attention particulière doit être portée sur les éléments suivants, selon l’entreprise Dessins Drummond :
-
Loger les grands-parents au rez-de-chaussée plutôt qu’à l’étage ;
-
Prévoir des portes et des espaces de circulation plus larges afin que ces derniers puissent circuler aisément avec un déambulateur ou un fauteuil roulant.
L’entreprise propose d’ailleurs plusieurs plans pour la construction d’une maison bigénération. En voici quelques-uns.
Modèle de plan Casey – Dessins Drummond – Construction neuve de style contemporain
Dans cette demeure contemporaine, chaque ménage dispose de son propre espace extérieur : terrasse abritée au-dessus du garage pour la famille et patio abrité à droite pour les grands-parents qui résident au rez-de-chaussée. Une entrée partagée donne accès aux deux logements ainsi qu’au garage.
Modèle de plan Colechester – Dessins Drummond – Construction neuve de style ranch
Cette maison de plain-pied offre deux entrées séparées, chacune dotée d’un grand placard. Autre aspect intéressant : dans le plus petit logement, la salle de lavage est située au rez-de-chaussée, évitant ainsi aux occupant·es d’emprunter les escaliers pour se rendre au sous-sol.
Modèle de plan Génération 2 — Dessins Drummond — Construction neuve de style farmhouse moderne
Bien que chaque famille ait son propre espace dans cette résidence de style farmhouse, elles partagent un grand garde-manger et une buanderie, toutes deux situées au cœur de la maison. Une terrasse avec toit à l’arrière est aussi accessible à tous par une porte-patio dans le séjour de chacun des logements. L’accès au plus petit logis se fait par le garage double situé sur le côté.
Parmi les autres plans populaires de l’entreprise, on trouve ceux de la maison champêtre Malvern et de la maison Angeline 2, de style plus européen.
Conseils pour une saine cohabitation
Après plusieurs discussions, vous êtes parvenus à vous entendre sur le type et l’emplacement de la maison bigénération dans laquelle vous passerez les prochaines années. Avant même d’emménager, il serait aussi bon d’aborder la question essentielle des règles de cohabitation. Êtes-vous à l’aise avec l’idée que votre proche parent·e puisse entrer chez vous sans frapper ? Devrez-vous arrêter de faire du bruit à une certaine heure ? Comment se déroulera le partage des tâches, notamment pour l’entretien extérieur ? Discuter de ces aspects en amont – et les mettre par écrit – pourra vous éviter bien des conflits !
La question de l’argent est parfois taboue, mais il vaut mieux ne pas la contourner. Qu’il s’agisse de la mise de fonds, de la participation à l’hypothèque ou du versement d’un loyer, il serait utile de signer un contrat auprès d’un notaire. Ce document pourra aussi établir qui paiera pour les réparations à venir, ce qu’il adviendra si un·e des occupant·es souhaite vendre sa part et partir, comment seront partagés les profits si la maison est vendue, etc.
Enfin, vous pouvez aussi vous renseigner auprès de gens qui vivent ou ont vécu l’expérience de la cohabitation afin de connaître leurs bons et mauvais coups.
Un projet de vie emballant
Bien planifié, le projet de vivre à proximité de ses proches peut s’avérer une expérience enrichissante. Entraide, partage des coûts et resserrement des liens : la cohabitation au sein d’une maison intergénérations apporte de nombreux bénéfices. Pour mettre toutes les chances de votre côté, prenez le temps de bien cerner vos besoins et vos limites. Et avant de vous lancer dans l’achat ou la construction d’une résidence bigénération, ou bien dans l’agrandissement de votre propre maison, ne négligez pas de prendre connaissance des règlements municipaux à cet égard. Ayant ainsi évité les mauvaises surprises, vous pourrez tirer pleinement profit de ce mode de vie.
Pour plus d’information sur la maison bigénération, voyez notre vidéo.
Isabelle Pronovost a débuté sa carrière comme analyste statistique et a décidé un jour de quitter l’univers des chiffres pour se consacrer à son amour des mots. Détentrice d’un certificat en rédaction professionnelle, elle se lance en janvier 2017 comme journaliste et rédactrice pigiste. Elle se passionne depuis toujours pour l’architecture, le design, et, dans une plus large mesure, pour tout ce qui touche à la maison – un intérêt qui l’amène tout naturellement à collaborer avec RénoAssistance.
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